«La demande a chuté de 30 pour cent en Turquie» (Edition 2015-43)

Kadir Ugur, patron de Bentour Voyages, craint que le vide politique en Turquie nuise fortement au tourisme. Lettre ouverte adressée au ministre du Tourisme de Turquie.

Kadir Ugur, vous critiquez dans une lettre ouverte le ministre du Tourisme pour sa passivité. Pourquoi maintenant?

Entre aujourd’hui et la mi-novembre, nous vivrons des semaines décisives pour nos activités de l’année prochaine. Si nous n’entreprenons rien pour faire oublier les malheureux événements des derniers jours, le temps passera et nous manquerons une période décisive.

Qu’exigez-vous du ministre?

Il doit se mettre au travail, même s’il n’est en place que depuis deux mois. Il doit mettre en place un groupe de travail composé de personnes compétentes. Lui-même n’a aucune expérience et n’est pas un professionnel du tourisme. J’étais présent dans la période de crise des années 70 et 90; à l’époque, nous travaillions main dans la main. Le minis-tre s’était déplacé en Europe et avait donné des conférences de presse. Il avait aussi rendu visite aux rédactions des quotidiens et lancé des actions publicitaires. Il convient aujourd’hui de réfléchir à la meilleure manière de faire face à cette situation.

Que convient-il d’entreprendre?

Je répète depuis une année que la Turquie doit faire davantage de promotion et de publicité. On n’alimente pas un cheval de course qu’une seule fois par année. Il faut, au contraire, le soigner en permanence. C’est valable dans le tourisme, faute de quoi tout s’effondre. On ne doit pas réduire le budget publicitaire, on doit le renforcer et s’y tenir. Il n’y a actuel-lement aucun concept et chacun fait preuve d’attentisme. C’est aussi le cas dans les représentations touristiques où les burocrates attendent et ignorent ce dont il adviendra. 

Quel message publicitaire faut-il faire passer?

La Turquie est un pays sûr. Des attentats comme celui d’Ankara peuvent se produire partout, à Paris, à Madrid, en Tunisie. En Tunisie, on a d’ailleurs fait bien plus qu’en Turquie, raison pour laquelle les touristes reviennent. Notre message est limpide: l’on peut et l’on devrait se rendre en Turquie. La qualité des vacances balnéaires est plus élevée que presque nulle part ailleurs en Méditerranée. Rien ne se passera si l’on se tient éloigné des manifestations. La Turquie est membre de l’OTAN et le G20 s’y réunit. Il ne le ferait pas si la situation n’était pas sûre. Même la «Bentour Comedy Night», avec plus de 1000 participants, se tiendra comme prévu à Belek en décembre prochain.

Comment sentez-vous le sentiment d’insécurité des voyageurs?

Contrairement à l’an dernier, la demande a chuté actuellement de 30 pour cent. Cela, va, sans doute reprendre. Mais cela concerne les spécialistes de la Turquie en général ainsi que les hôtels sur place. Pour les généralistes, cela n’a pas d’importance. Mais cela nous touche directement, en dépit du fait que nous sommes en mesure depuis peu de compenser cette baisse avec d’autres destinations. Mais vendre pour vendre presque gratuitement ne constitue pas mon modèle commercial. Je ne veux pas que la Turquie devienne l’an prochain une pure destination Last Minute. Bentour déplore cette année déjà un recul de 10 pour cent. Au lieu de 110 000 clients en Turquie en 2014, nous n’en enregistrerons que 100 000 cette année.

Pensez-vous que le ministre vous répondra?

Je ne le pense pas. Dans le cas contraire, il aurait déjà appelé. Si rien ne se passe, je publierai une annonce dans le quotidien turc «Hürriyet». Pour exiger de lui qu’il agisse.

DS