«Revoir la stratégie de promotion touristique du Cambodge»

Interview exclusive de Vichit Ith, Directeur général du Cambodia Tourism Board,
Vichit Ith, Directeur général Cambodia Tourism Board ©LC
Le Cambodia Tourism Board (CBT) a seulement trois mois. Mais il se prépare à la promotion intensive du tourisme du pays à l’international pour 2025 et au-delà.  Cette promotion a déjà débuté en Chine, au Japon et en France avec le Sommet de la Francophonie. Culture et nature sera au cœur de sa promotion en mettrant en valeur la différence qu’offre le Cambodge par rapport à ses voisins, explique Vichit Ith, son directeur général, en exclusivité pour TRAVEL INSIDE.

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Comment évaluez-vous la situation du Cambodge aujourd’hui?

Le Cambodge est bien en deçà de son potentiel touristique réel mais la situation est contrastée. On a enregistré une progression avec 4,3 millions de visiteurs étrangers, en hausse de 22,5%. Plus de 63% du total provient de nos voisins, les pays de l’ASEAN. C’est un total changement par rapport à l’avant-Covid où l’ASEAN représentait seulement un tiers des arrivées. L’évolution de la demande des marchés européens est moins satisfaisante.

Certes, entre janvier et août 2024, les arrivées européennes affichent une hausse. Mais elle est seulement de 14%, plus faible que des autres marchés émetteurs internationaux. L’Europe ne représente plus que 9,7% de nos arrivées contre 12% en 2019.

Quelles sont les raisons de cette moindre progression européenne?

Je vois quatre facteurs. Le premier est l’absence de vols directs depuis l’Europe sur le Cambodge. Certes il y a des vols via le Moyen-Orient, la Thaïlande ou le Vietnam, mais cela ajoute au coût total du billet. Nous sommes donc un peu plus cher que certains de nos concurrents.

Ensuite, il y a eu pendant quelques temps une image négative du Cambodge. Elle s’est améliorée récemment mais il reste encore beaucoup à faire dans ce sens. Le troisième facteur est le visa payant qui peut être un élément dissuasif, notamment parce que beaucoup d’autres pays offrent un visa gratuit, voir aucun visa.

Enfin, il nous reste beaucoup à faire pour embellir le contenu de la destination Cambodge. Nous nous y attelons très sérieusement avec les opérateurs privés qui se sont portés volontaires pour aider à améliorer la qualité de l’offre dans des provinces porteuses comme Sihanoukville et ses îles, Kep et Kampot, Siem Reap, sans oublier Phnom Penh. Nous pensons cependant que la haute saison haute s’annonce bien car l’Asie reste une région paisible et attrayante.

Le visa à 35 dollars est-il réellement un handicap?

En fait, faire payer un visa aujourd’hui est incongru car la nouvelle norme c’est un visa gratuit ou plus de visa. Certes, le visa est une source de revenu pour le gouvernement mais l’effet multiplicateur des dépenses des touristes génère des retombées économiques nettement plus grandes que le montant nominal des visas. Le tourisme a rapporté l’an dernier environ 4 milliards de dollars, soit 12% du PIB. À comparer avec 67 millions de dollars seulement pour les visas généras par les visiteurs hors de l’ASEAN.

Permettre aux voyageurs d’arriver au Cambodge avec un visa gratuit contribuerait certainement à augmenter les recettes touristiques. Une telle mesure aurait aussi un effet psychologique non négligeable pour les visiteurs. Nous en discutons maintenant avec le gouvernement.

Comment souhaitez-vous promouvoir la destination Cambodge?

Qui dit tourisme international dit concurrence. Le Cambodge doit se différencier des autres destinations avoisinantes si nous voulons devenir une destination à part entière et non d’apport. La question est comment le faire et quel sera notre ‘Unique Selling Point’?

En tant que Cambodgiens, qu’avons-nous de plus que les autres qui peut attirer l’intérêt et créer des connections inoubliables? Nous avons certes les temples d’Angkor, les rizières, la beauté de nos fleuves et de nos villes mais c’est par notre culture, nos racines, nos communautés locales que nous pouvons nous distinguer. Notre culture et nos communautés devront être au cœur de notre promotion. La culture est notre âme, la communauté notre cœur. Une promotion touristique attrayante se doit ainsi de mettre en avant notre identité millénaire.

Quelles actions pour une culture servant de point d’ancrage au tourisme?

Le CTB travaillera avec les ministres du tourisme et de la culture pour entamer une ‘Renaissance culturelle khmère’ à travers la mode ou les traditions d’accueil. Démontrer la profondeur et l’unicité de notre héritage culturel est un avantage concurrentiel de taille. Il y a un véritable besoin d’éducation pour injecter de la vie à la destination Cambodge.

Nous devons promouvoir les jeunes artistes créateurs à Phnom Penh ou Battambang, notre gastronomie, notre mode, nos danses et nos musiques, le monde rural, notre vie quotidienne. Il y a une nécessité d’offrir plus de qualité et plus d’authenticité. On va travailler sur l’embellissement des villes, leur offre culturelle mais aussi sur la création de circuits urbains. Toutes ces actions devraient séduire les gens et offrir de ce fait une expérience inoubliable qui donnera aux visiteurs l’envie de revenir. Le CTB doit jouer un rôle catalyseur, de mobilisateur et transformer des idées en réalité et en résultats.

Quelles seront vos premières actions à l’international?

Nous allons être à l’écoute du marché car c’est lui qui va dicter notre politique touristique et non pas l’inverse. L’Europe est un marché essentiel pour nous car on a affaire à des voyageurs curieux qui aiment explorer, découvrir, s’aventurer hors des sentiers battus.

2024 est une période de transition pour le CTB en termes de présence dans les salons et de la promotion à l’étranger ainsi que dans l’organisation de fam. trips.  Cela dit, nous serons présents à WTM Londres début novembre où nous mobilisons nos opérateurs privés. Notre action internationale passe aussi par l’amélioration du contenu de notre offre interne. Nous allons créer des activités culturelles inédites à Angkor Wat mais aussi des activités écotouristiques à Kep et Kampot comme la visite du fameux poivre de Kampot, des dauphins et des dugong, et appuyer la promotion de notre délicieuse gastronomie khmère.

Luc Citrinot, Paris